Poésies et chansons (audio)

Soliloque l'album 7 plages audio 


    L’album « Soliloque et autres dialogues poétiques » a été enregistré durant l’année 2021. Ce nouvel album (collector) est le fruit de plusieurs années de maturation ; la musique a été initialement composée par Jan Pincemaille, les arrangements instrumentaux et mixages ont été réalisés par Bruno Sporer en Home studio à Colmar. Prise de son : voix, en Home studio chez Yann Wingert (Brother Sound) à Marlenheim. 


    Chansons interprétées par Jan Pincemaille, voix chœur Yann Wingert ; Photographie Jan, il s’agit d’un détail d’un tableau de Cretey, 1630-1637, Musée des Beaux-Arts de Tours ; Photographie 2 : François Bolard et Piote


1- Soliloque, Chanson écrite à partir d’une poésie de Myriam Sonzogni (voir recueil de poésie illustrée « Présence » 2020)
2- Demain dès l’aube, libre adaptation de Victor Hugo
3- J'écris ton nom, libre adaptation de Paul Éluard
4- Mon rêve familier, libre adaptation, de Paul Verlaine
5- Nuance, Jan composée en 1986
6- L’arbre à Rêve, Chanson écrite à partir d’une poésie de Myriam Sonzogni (voir recueil de poésie illustrée « Présence » en 2020) 
7- Je dis la Paix, libre adaptation, d’Aragon


01 -SOLILOQUE









02 -DEMAIN DES L'AUBE 03 - J'ECRIS TON NOM 04 MON REVE FAMILIER









05 - NUANCE









06 - L'ARBRE A REVE









07 JE DIS LA PAIX







                          




Jan 



Ouvrages déjà parus : 

 


- Métaphotophores, Recueil de poésie et photographie d’art, autoédition, Duplicaprint, 2021, ISBN : 978-2-9575605-1-6
- Recueil d’ateliers, ARTéLIA, écrits collectif, 2021.
- Qu’un rat restait, Roman, Le Céleste A, autoédition, 2020. 
- Présence, poésies de Myriam Sonzogni Photos : Jan Pincemaille, autoédition, 2020, ISBN : 979-10-699-4782-5
- A part entière, Roman, Auteur Myriam SONZOGNI, Photographe, Jan PINCEMAILLE, 2019, ISBN : 9-782378-391065
- Le destin du hasard, Récit autobiographique, autoédition, La Boisière, 2002.
- Le dessous des cartes, Récit autobiographique, autoédition, La Boisière, 1999.
- Fragment et entièreté, Poésies, aquarelles de Jean-Michel Bregeras, autoédition, 2015. 
- Belles pêches, pêle-mêle et autres belles pelles, Poésies, autoédition, La Boisière, 2013.
- En plein cœur, Poésies illustrées par Sophie Do Kleiner, Lulu.com, 2012, ISBN : 978-1-291-09344-5









Le recueil illustré





Le recueil illustré






Le recueil illustré








Le roman








Le recueil illustré







Le recueil illustré












***




Éclats de verre brisé
Menaçant de tomber
Dans un gouffre sans fond
Retenus par des êtres élémentaires,
Fragmentés, fondus
En autant de morceaux irisés.
Or en plaque
Métal miroitant
Le gouffre est là, vide, profond.
Fenêtre dans la fenêtre
Ouvrant sur l’immensité azur
Sur la vie grouillante.
Tous les éléments d’or
Se soutiennent
En équilibre instable
Mais accrochés
Accrochés à la vie
Minuscule et trépidante.
Laideur des espaces inférieurs
Transcendée dans cet espace
De lumière et de beauté
Qu’est l’Esprit.

Raphaëla, Sélestat, Octobre 2023








A califourchon, impatients et mal installés sur nos strapontins de fortune, 
La scène, devant nous, se révèle être immensément profonde. Abîmes nocturnes.
Ô moires qui ondulent en éclats d’or fins, sombres miroirs déformants !
Lentement, de ces ténèbres, elle apparaît comme un spectre luminescent ;
Elle s’élève, solitaire, comme survolant les lagunes, en vaporeuses et blanches brumes.


Le solo improvisé, drapé de limbes nacrées, est fluide, presque laiteux.
La danseuse sortie des noirceurs de la mer, de son sol dur et tout pierreux,
Ondule. Lactescente, elle s’envole dans l’espace sous-éclairé, flou et comateux.
L’exquise nymphe se propulse avec volupté ; ses ondoiements sont aériens,
Célestes. Ô vagues sous-marines, volutes, voilages : un Voyage tout Baudelairien.
 

Dès lors, l’entité se noie puis remonte à la surface. Muette, elle semble nous observer.
Ses parures sont spongieuses et visqueuses. Ô tissus translucides, tentacules entrelacés. 
La masse apparaît flasque presque liquoreuse, glacée, voire trépassée.
Pourtant, la chose se meut, vit, évolue et se renverse dans cet entre-deux d’eau glacée.
L’être se déplace savamment, par impulsion et au gré d’une houle qui, déjà, nous enivre.


Ses filaments, longue chevelure, nous envoûtent, nous enserrent ; brûlants, ils nous enlisent.
Sa double membrane opaline et sphérique confère à la chorégraphie toute sa virtuosité.
Ondoiements langoureux et chaloupés ! Le désir revêt parfois d’étranges teintes omises.
Son corps sans visage est immatériel. Ô voilages opalescents, organiques, raffinés et lustrés.
Aquarelles brunies : des fils de caramel, des coulures de rouilles : ses couleurs s’électrisent.


Un son sourd et cristallin s’installe, prend toute son ampleur : ô roulis de caresses infinies,
Celui des perles coulant le long d’un bâton de pluie en d’invisibles vagues sonores.
On dirait que le monstre chante - ô chantre bleu des baleines en mer du Nord -
La complainte de la houle qui jamais ne cesse, cependant qui jamais nous lasse, nous honore
De sa lancinante et fascinante mélopée. Le monde du silence livrant son âme, son esprit.


Vengeance. Vertige d’une ivresse sans alcool et, pourtant, nous chavirons presque nauséeux.
La danseuse, qui maintenant volait au-dessus de nous, apparut sous l’aspect
D’un gigantesque neurone naviguant dans ses synapses. Flash. La cellule se divisait.
Connectés, d’autres danseurs en fond de scène apparaissaient en meute et ondulaient.
La chorégraphie prit alors toute sa quintessence en un aquatique ballet merveilleux.

Mimétismes millimétrés de courbes où chaque composition donne l’impression
D’une improvisation harmonisée, comme une seule et même respiration synchronisée.
Les effets de l’intelligence artificielle nous échappent. Ô éphémères pyrotechniques !
La réalité de cette danse virtuelle prend corps sous nos yeux dupés et charmés.
Contemplation spectaculaire d’un spectacle hors du commun. Un sacré choc onirique !




Jan PINCEMAILLE, Hidra, péninsule de Norvège, Juillet 2023




En forêt du littoral 


Au pays bleu de mes rêves salins, je rêvassais en longeant le « chemin des Juifs du Mur de l’Atlantique » et …je t’ai rencontré. Tu te tenais debout, solide et amical, bras ouverts dans un semblant de clairière. 
 Intuitivement tes souvenirs se sont connectés aux miens ; mémoires d’être vivants entremêlés. 

Chêne, on dit que tu es plusieurs fois centenaire. Ô chêne remarquable, puissant et résistant. Combien de guerres as-tu subies ? Elles n’ont pas eu raison de toi, ni elles, ni la houle des grandes marées, ni les interminables canicules. 

Ô chêne druidique, tu te déploies, paisible et fraternel, imposant et majestueux, mystérieux et généreux. Ô bonté incarnée, beauté épanouie, futaie photogénique.

Ici, sur la toile universelle, ton image onirique apparaît à tous. Elle est charbonneuse, cotonneuse, bleutée, rosée, floue, presque brouillardeuse. Lorsqu’on prend le temps de t’observer, on découvre des ombres. Imperseptiblement, des elfes sont cachés en ton feuillage. Un œil nous regarde...Un serpent, une grotte peut-être. Là, un bonhomme qui marche derrière un fourrage de fougères, il foule sa tête folle.

Tes songes nous transportent presque à l’envers du monde, vers une sorte d’épanouissement souterrain. Dès lors, ta ramure s’enracine dans le sable des vents marins et tes racines célestes puisent en ton ciel toute la force tellurique. La puissance que tu dégages est incarnée par ton fragile équilibre, légèrement penché. Tu es l’ange bleu, mon alter ego, mon bel androgyne ni masculin, ni féminin, les deux à la fois. Peut-être ?

Jan Pincemaille

Photographie en tirage "fine Art" : Piezographie, c'est une imprimante aux charbons bois.                                             (7 nuances de gris)                  



Un oiseau blanc
Un arbre bleu tout le ciel clair et le silence, poème d'Anne Cécile Lecuiller 1978 





Le coquillage bleu


Naturellement, l’être délicat qui habitait cette demeure bleutée avait du goût.
Du fond de l’océan, des vagues mousseuses l’ont déposé sur l’or du sable.
Tes mains pures l’ont cueilli comme une offrande - un si beau caillou-
Légèrement rosé, nacré de l’aube naissante, il est une grâce ineffable. 
Un don, une coquille sans âge, une coquille sage, délicate, craquante.

Un jour, tu m’as prêté ce joyau pour que je le sublime en photographie d’art.
Au toucher, sa peau un peu rêche, ses branches ont la fragilité du nouveau-né.
Génialement photogénique, il s’est laissé prendre au naturel, sans fard.
Ô beauté blanche, presque neigeuse, simplement drapée de voiles aérés. 
Un écrin mystérieux, une coquille guimauve, déjà fondante de plaisir.

Phare bleu, majestueux, tu rayonnes, irradies tel Vénus au firmament,
Alors, s’enroulent autour et en toi de sublimes spirales. Circonvolutions.
Tel un escargot cosmique, tu nous fais voyager, à ton rythme, lentement. 
Légèreté du mouvement, tes cornes sont des bras ouverts, traits-d ’union, 
Arche de la concorde. Une coquille avide, passionnée, radieuse, si expressive,

Alliance entre l’infiniment petit et l’immensément grand. Beauté curieuse, 
D’où viens-tu ? De quelle imaginaire spectral, de quelle contrée poétique ?
Et l’ermite que je suis, roule sa bosse dans les encre-lumières du numérique
Pour offrir au regard des curieux, une image de toi, presque miraculeuse !
Une louange, une coquillette à croquer, coquille croquante. 

À Anne, l’éleveuse de coquillages et autres pierres précieuses.

Jan PINCEMAILLE, Vittel, octobre 2022.












                                    Au caveau de la danse

Les lumières viennent de s’éteindre. Dans la salle voûtée, les chuchotements s’estompent et se tisse dans l’instant une quiétude monastique. Devant nous se dévoile le noir, un noir qui s’intensifie pour devenir total. Soudain, le son bruyant d’un gong sourd. La vibration de l’instrument s’éternise avant de mourir avalé par le silence ambiant. Du néant et sur la mémoire des ondes sonores, une faible lumière fait surgir des formes abstraites. On devine une délicate main blanche suspendue et immobile. On aperçoit comme un mirage un visage regardant dans le vague, on découvre des pieds ancrés dans le sol comme des racines. Maintenant on voit un corps planté entier debout puis d’autres corps surgissent statiques du fond de scène. Progressivement huit femmes sont douchées par une lumière d’or, et dans leurs cheveux défaits, quelques fleurs d’aubépines. Ces vestales sont vêtues de tuniques légères, magnifiques oripeaux, comme un voile délicat qui laisse facilement deviner les courbes des hanches, le galbe des cuisses, des seins.  L’image d’un groupe apparait, à l’instar d’un tableau style art nouveau, un univers à la Klimt ou à la Botticelli.  

Avec une lenteur extrême, la danseuse au premier plan, actionne une sorte de cordelette autour d’elle. Celle-ci, en prenant de l’ampleur émet un léger son, vibrant et clair, son mouvement semble avoir une influence sur les corps encore immobiles des danseuses qui s’animent presque imperceptiblement. La précision des ralentis est de toute beauté. Émane alors une impression de puissance zen.  Sortie de nulle part, quelques notes de piano, presque inaudibles semblent maintenant se structurer en une sorte de rengaine. On dirait une source, on reconnait des accents Debussyin, Sati n’est pas très loin, non plus ! 

Puis peu à peu, la décoration d’ensemble se révèle, au fond on découvre une grotte et tout autour une forêt bleue qui s’anime comme à l’aube du jour. La musique qui s’échappe de la fosse aux musiciens est pareil au chant des oiseaux qui annonce un luxuriant jour du de fin de printemps. Et, une sorte de Boléro émerge, se structure. Le groupe des grâces évolue fluide à l’image des mariages d’oiseaux mais au ralenti, c’est sublime ! Les drapées des vêtements des danseuses voltigent élégamment comme si l’énergie du corps éthérique se révéler ainsi par la seule danse du tissu. Sans doute qu’un puissant ventilateur silencieux vient d’entrer en action ? En tout cas, la voilure en mouvement laisse entrevoir par jeu de transparence l’intimité de ces corps féminins, subtilement dénudés, comme la soie glisserait sur le satin de la peau, avec volupté. La vision d’ensemble est délicieusement aérienne, la quiétude des corps est palpable, tout semble facile, sans effort. La scène est exquise !

Tournant doucement sur elles-mêmes, les danseuses montent en puissance dans une chorégraphie intuitive presque naturelle. Le motif musical est lancinant, répétitif et monte crescendo. Nous assistons à une lente mue. On devine déjà le craquellement inéluctable de la chrysalide qui se craquelle pour laisser naître des êtres ailées. 

Un rythme s’imprime progressivement, la chorégraphie se scande en envolées lyriques. On assiste à l’allégresse d’une farandole païenne. Mais savantes, ces nymphes oréades s’adonnerait plutôt à l’incantation du printemps, célébrant par la danse son sacre. Telles des Bacchantes inspirées, les âmes des danseuses se croisent sans se heurter, s’entremêlent, se délient… pour se toucher à nouveau et reformer qu’une seule entité, respirant d’une même haleine. 

Puis, comme des papillons, interdépendante, chacune des nymphes s’éloigne du groupe pour exécuter un solo virtuose car parfaitement bien synchronisé. Par moment, les solistes exécutent les mêmes mouvements, puis par magie elles redeviennent entièrement autonomes. Nous assistons à une pureté chorégraphique millimétrée à la Emanuel Gat. On navigue entre des tableaux de la mythologie et ceux de l’art nouveau. Une très belle facture chorégraphique !

Dans un mouvement coordonné, chacune des muses actionne des cordes virevoltantes autour d’elle. Des étincelles s’échappent du dispositif volant qui tournoie maintenant comme une roue de feu. La rythmique s’accélère encore. L’orchestre devient volubile, son volume sonore est puissant, et sa faconde est si féconde que le collectif semble se réunir presque intuitivement. C’est assez bluffant ! Aussi, sous nos yeux de spectateur ébahis toute la sarabande s’agite, tournoie et s’affole à nouveau. Les habits se défont, les corps de refondent. Les lumières rougeoient. La danse s’africanise un instant puis se transforme en transe ethnique. Le rythme des tambours est infernal, la puissance sonore est presque dérangeante. Le public captif, ressent les vibrations stoïquement.

L’apogée sonore dure, le groupe n’est plus que de sang et de sueur, c’est la puissance des corps en feu. L’énergie du volcan brûle ce grand corps en fusion. Incandescence ! Nous sommes ailleurs dans des volutes mystiques, dans des dimensions cosmiques voire sataniques !

Soudain un flash ultraviolet et tout s’arrête. On entend les corps qui tombent. Dans le silence mat, juste le souffle rauque des danseuses. Le noir s’éclaire. Une grande étoile apparait au sol. La scène semble s’être inclinée laissant voir le corps des huit déesses nues, couchées sur le dos. Le groupe ainsi sacralisée forme une sorte étoile à huit branches qui scintille d’or jusqu’au bout des seins. Avant les applaudissements à tout rompre, la salle est restée sidérée, médusée pendant une éternité de secondes. Un silence éloquent, toute la salle est conquise. Ce soir, la danse contemporaine s’est enfin libérée de son carcan du tout conceptuel. C’était divin !   Jan PINCEMAILLE le Céleste A janvier 2021





L’arbre bleu

Au loin, plus bas, des nappes de brouillard, et juste au-dessus, la clarté du jour irise l’horizon. Les paysages alentour ont disparu happés par le blanc silence de l’automne. Le brouhaha du monde glisse tel un fleuve en hiver, lentement, languissant.  Ô mortelles froidures !

Je marche, fugitif, dans les sillons des labours. Gouffres amers, j’ai le pas lourd. La boue est bien sombre à mes semelles de plomb. Moribond, je m’avance vers un noyer majestueux. Et tel l’aigle impérial, il déploie sa vaste ramure comme des ailes de géant, se détachant du ciel, au faîte de la colline. Il m’apparait comme un exilé perdu au milieu des huées aphones.

Silence. Silence. Le silence produit du silence. Le gris des cendres froides.

La bise venue du levant est fraîche et piquante. Je sens que s’écoulent de la fente de mes yeux frileux quelques larmes blêmes. De l’arbre, seules quelques feuilles-duvets frémissent très légèrement. Et comme des plumes qui succombent, elles tombent tels les premiers flocons. Le murmure du vent dans les feuilles est feutré et ce doux bruissement tintinnabule en mon crâne mou. Il est lointain, pareil au chuintement d’une source solitaire au cœur de l’hiver. Son chant cristallin est transparent. Tout le lieu est empli de ce silence susurré et si limpide ; seuls mes acouphènes  me révèlent à ma propre existence. Le blizzard mollit et le temps se fige. Au fond du silence, scintillent des pointes d’aiguilles ingrates. Acuités sonores, suraiguës comme des fragments d’éclats de phare dans la brume. Je perçois à mes tempes mon sang qui bouillonne en régulières giclées. J’aspire à mourir ainsi dans ce vide si plein. Soudain, le soleil pâle se voile, et la clameur de la nature chuinte, délicate et humide dans ses habits de bruine. Tout se trouble. Le brouillard rampe dans son linceul, il m’emmaillote.

L’arbre devant moi disparait, comme englouti. Je marche un peu, juste quelques pas timides, je déambule, hagard. Et le monde devient uniformément blanc, suspendu…Je plane survolant les champs mouvants. J’erre au dessus d’une mer d’argile grisâtre et ondulante.  Et tel un opiniâtre fantôme, je rejoins les spectres des soldats morts aux champs de bataille à Reichshoffen. Celui-ci est tombé sous les sabots d’un cheval, celui-là saigne sous le sabre aiguisé et ceux-là pulvérisés sous les tirs sourds du mortier. Tous hurlent, gémissent et se lamentent encore. L’uniforme en lambeaux, ils flottent en plein vent comme des loques. Leurs yeux sont mornes, leurs lèvres molles. J’entends à peine leurs plaintes. Ils pourrissent en plein ciel, se détériorent sous un océan de terre, ils sont, pour la plupart, éparpillés et sans sépulture. Ils se sont tous noyés dans les eaux glacées de cette mauvaise tempête. Et ils ne seront jamais secourus. Vingt mille âmes errantes, de si jeunes gens ! Ô guerres assassines !

Cette vision d’horreur s’évapore avec le brouillard qui se lève, évanescent. La poisse des vapeurs laisse place à la blancheur du monde réel. Le noyer surgit juste devant moi, telle une ancre salvatrice. Alors, l’arbre de vie s’empourpre sous mes yeux ébahis. Sur chacune de ses feuilles j’aperçois des gouaches rouge sang et jaune citron, des touches impressionnistes. Sa verdure décline au profit de la couleur rouille qui est prédominante. L’arbre semble se nourrir comme moi de cette tendre lumière. Dernière apnée céleste ?

 On dit que les racines d’un arbre sont le miroir de son ramage. Aussi, j’imagine la superficie immense de sa souche tentaculaire. Je ressens la puissance des ses milliers de radicelles buvant le sang bleu des nobles soldats. Tout le tronc bleuit, montant jusqu’aux branches, la couleur devient si intense qu’elle s’électrise presque pour devenir irréelle. Ce bleu roi est profond, il tranche avec le blanc qui l’entoure. Les morts ressuscitent un à un.  Quelle plus belle sépulture qu’un magnifique noyer ! Les labours sont des sillons où je m’abreuve à retrouver la paix.

Jan






                                                Se débattre avec soi même...
                                                Vouloir se fondre dans le Nature que l'on a négligé...
                                                Le Bois, l'Arbre merveilleux symbole, disparaitre en Lui.
                                                Ce que j'ignorais, ce qu'on ne m'a pas appris, le non exemple...
                                                Le Réveil interrogatif, douloureux, culpabilisant....
                                                Quel est le rôle qui me reste alors que la majorité....
                                                Oui je sais, il y a des Humains merveilleux, fantastiques....
                                                Par EUX j'y crois, je me redresse, j'imagine....
                                                Je te trouve l'Artiste qui m'indique LE chemin...
                                                Merci de contribuer à mes rêves, ils me font vivre....
                                                        
Tableau de Jan Pincemaille, merci à lui pour savoir insuffler une autre forme de jaillissement libérateur.
Elisabeth Cousin




 Mon Délire t'accompagne...
Vision intergalactique....
Une Terre semblable à la Notre...
Vit ses derniers Macro-siècles....
Imperceptiblement un étau...
L'enserre.
Elle ne voit Rien...
Avec son Ciel encore Bleu...
Et ses déchets multiples qui gravitent...
Elle a une telle confiance en sa Supériorité...
Elle se croit Immortelle....
Histoire sans Fin...
Car s'il existe une Fin pour Elle...
D'autres viendront....
Pour un Podium Improbable...
Elisabeth Cousin











Merci à Jan Pincemaille pour cette photo très inspirante....
Mon Coeur et mon Cerveau bouillonnent...
Tant de ressentis contradictoires....
J'aime l'Océan berceau de toutes Vies...
Mais aussi Linceul de tant d'autres...
L'Homme s'est servit de lui pour se Nourrir,
Découvrir, Echanger, puis hélas :
Abuser de Tout.
Prendre, Dominer, Utiliser, Tuer....
L'Homme salit les Océans...
Mille Carcasses de Bateaux de Paix, de Guerres...
Alors je vois les Entités du passé Grossir ....
Et je pleure en mon Âme pour Nos Erreurs
Pourtant qu'il est Beau cet Océan si.....
Le plastique ne Le Tue pas....
Elisabeth Cousin
 



Fantomatique...
En évolution ou régression ?
Un grand Singe a voulu être un Homme...
Mais un Homme a essayé de comprendre les Singes...
Au point de se fondre dans leur apparence...
Quel est le Labo qui travaille sur le Sujet ?
Moi qui rêve d'être Ourse, Loup, Corbeau.......
Messages attendus sur ma page.
Elisabeth Cousin







Je ne renvoie pas la Balle...
Je ne suis pas méchante ....
Pourtant les Serpents sifflent encore...
Ils sont nombreux, moi, je suis morte...
Plus de peur, rassurez vous...
Il ne me peut plus rien....
Dans le Cosmos, c'est si grand ...
Qu'il s'y perdra...
Elisabeth Cousin









                        Comme des Drapeaux de Prières qui claquent au Vent jusqu'à se déchirer, disparaitre et monter jusqu'aux Dieux...
                        L'Homme crée, le Vent emporte, le temps les renouvelle ....
               Ils balisent le chemin, de Vie et de spiritualité....
                        Ils animent la montagne et la rende plus clémente.
                        Frêles protections, Êtres courageux...
                        Culture Admirable. Au Royaume du Mustang....
                        
Merci à Jan Pincemaille pour ses oeuvres qui m'inspirent avec joie. Elisabeth Cousin








                                                    Je ne crois pas aux Anges...
                                                    Pourtant je le voie...
                                                   Illusion ou trouble visuel...
                                                    Je le voie....
                                                    Qu'est ce qu'un Ange si non un rêve concrétisé...
                                                    Si je le voie, si je le ressens, il existe...
                                                    Ce sentiment indépendant de nous...
                                                    Vit par ma volonté échappée...
                                                    Un Ange c'est le Baisé d'un être cher disparu....
                                                    Un Ange c'est le Baisé de mes petits enfants...
                                                    Un Ange c'est ton Ombre dans ma nuit...
                                                    Un Ange c'est la Douceur qui aide à Vivre...

                                                                                            Elisabeth Cousin






                                                    Sous son apparence de Colosse, la Pierre fragile...
                                                    Le retour du gel, cette glace que nous admirons...
                                                    Insensiblement, saison après saison fait éclater la Roche...
                                                    Long travail de destruction, rien n'est immuable...
                                                    Mais tout se transforme à l'infini...
                                                    Et nous admirerons toujours ...
                                                    Ce que notre regard avertie redécouvrira....
                                                                                    Elisabeth Cousin





                                        Âmes lugubres en errance....
                                        Retenues comme par une malédiction....
                                        Ruines, témoins de monstruosités....
                                        Souvenirs de guerres, de séparations...
                                        Lamentations communes et sidérations....
                                        On ne doit pas oublier...
                                        Mais l'homme est Addicte...
                                                                                                Elisabeth Cousin  







                                        Eclosion d'un Futur...
                                        Bouillonnement d'Espérance de Vie.
                                        Une Vie plus aboutie peut être en gestation...
                                        Prenons garde de la bien accueillir ...
                                        Elle pourrait être Magnifique...
                                                                                                   Elisabeth Cousin

                                                        ***








Et si nous nous trompions chaque jour,

tellement attachés au palpable, même par nos pieds

enfermés dans des chausses qui nous coupent – nous les voyons protectrices –

du sol, qui serait rappel de la blessure de notre condition terrestre mais aussi,

connexion et transfert d'énergies.

 

Et si je m'égarais encore, comme toujours,

à chercher sens inverse, symbole réciproque, lors qu'estropié,

mon esprit tourne en rond – souhaitant comprendre les matrices –

il ne sait dire à mon verbe ce que je ressens: que le très haut est aussi

l'infiniment petit, l'impalpable équanimité, la veule orgie...

 

Que nous voguons aux cieux comme nous rampons sur terre,

que les racines sont peut être et surtout dans les airs,

diffuses, invisibles, spores ou étincelles infimes circulant

en vue de s'unir à d'autres, désirant recréer le feu premier...

 

Les airs seraient aquatiques, l'eau serait aérienne, et sacrée serait la terre,

arche intemporelle au regard des hommes, dont la finitude était pressentie et sue de nos pères

qui inventèrent des histoires sibyllines pour nourrir nos joies, jusqu'à un homme miraculant

en tous sens... Que reste-t-il aux hommes si l’on soustrait leur essence d'êtres émiés...

 

S'ils ne savent pas qu'ils ne sont rien de plus que poussières terrestres

en suspension dans une bulle atmosphérique que des vents parfois contraires

ballottent au gré de leur volonté dont nous ne savons rien, nous acharnant à deviner

ce qu'ils seront, ce qu'ils feront, niant la sagesse première:

 

ce qui n'est pas de ton ressort ne nécessite pas que tu tentes de t'en rendre maître

ce qui dépend de toi, c'est ton élévation, vers les hautes sphères et lumières

mais penses bien à ceci, ce que tu perçois n'est peut-être qu'halluciné,

même si partagée par tous, la perception est le fait de schèmes traversant les ères...

 

Mapi Sélestat 2021







                                                                         ***




Les textes suivants sont de Jean-Michel Compte, et les photographies de Jan, recueil Métaphotophore, 2021


Nous pourrions penser que le monde
S’éparpille en jouissances appropriées
Il n’en est rien
La relativité des sens
Les éprouvés subjectifs nous rattrapent
Bric-à-brac
Fourre-tout
Les lignes baisent, se malaxent en orgasmes colorés
De visu

   Jean-Michel Comte








                         Tes seins et tes courbes
                         Sont-ils des dunes
                         Que je franchirai en toute quiétude ?
                         Seront-ils des obstacles invincibles
                         Que je tenterai de vaincre ?
                         Frangipanes, galettes de rois défroqués ?

                         Tu me diras peut-être un jour quelle est ta palette des possibles...

                                                                         Jean-Michel Comte





                      Toile en voilages
                      Tisse le temps qui défile
                      Voile le soleil en ombre désinvolte
                      Protège nos frontispices de leurs rides naissantes


                      Petite cabane
                      Symbolique de nos jeunes soubresauts
                      Prolonge nos vues sur l’immense
                      Nos infantiles folies de grandeur...
Jean-Michel Comte





Alors mon cœur vert s’extasia
Explosa en radicelles
Car l’amour est ainsi fait


Il se diffuse en éclairs
Qui frappent, estonnent
Valeurs ajoutées d’une surface
Parfois belle avant l’orage

Jean-Michel Comte









Les grains de nos vies éphémères s’enclenchent en rouages improbables
Ils se promènent, se répandent en vertus
Se laissent glisser en vert, contre toute servitude,
Épis
Vos serrures envisagent des futurs qui nous restituent

Des futurs qui nous font penser
Sauvegarde de nos résidus d’humanité


Jean-Michel Comte












Les grandes oreilles irriguées
Sont à l’écoute de notre Tout

Big Brother n’est plus un mythe
Il nous consomme peu à peu
Ramifie notre obsolescence programmée

Jean-Michel Comte






Un archer ivre se mit martèle en tête
A tirer sans vergogne sur nos bleus à l’âme
Les dégâts furent si beaux
Qu’ils sublimèrent nos craquelures
A jamais.


Jean-Michel Comte





Coquille vide
Tertre ouvert sur nos abysses
La lumière pourrait nous atteindre
Qui sait,
De sa pierre philosophale en issue favorable ?

Jean-Michel Comte







Fleurs de cristal
Fragiles et sensuelles
Exhumez le halo flou de nos erreurs
Passées et à venir
Goutte à goutte...

Jean-Michel Comte






Volutes

Volutes synaptiques

D’un rien, elles se fondent dans le tout
Tamisées en grains à moudre
Qui se perdent en particules humanoïdes

Visage
Visage qui se mue en grains de folie
Grains de folie : la vie.
Jean-Michel COMTE




Le trio d’élite se délite
Sa croûte se fait la malle

Le cadenas, dont le code est perdu
Nous laissera en plan, comme des bleus

Face à ce triptyque, nous serons cois
Les yeux clos par tant de sagesse exposée
En-bruns élimés par des flaques marines.

Jean-Michel COMTE




Lichens, lichens
Rampez sur nos parois
Répandez vos humeurs
Au sein de nos carrées, nos demeures...

Jean-Michel COMTE


Tache à café

Saveur acre et éphémère
D’une intensité telle
Que son voile restera à jamais
Indélébile à nos papilles

Jean-Michel COMTE


Des miroirs tubulaires

Se mirent à cracher nos reflets
En rayures absconses.

Mais nos cylindres à matière grise :
Des impossibles à refléter

Jean-Michel COMTE




Toupie dans la grisaille
Par ta force centrifuge
Fait nous fait dérailler de nos axes polychromes...


Jean-Michel COMTE




Salutations circonstancielles.
Le ciel soudain se mue en salmigondis - la forme serpente puis se fige -
Bientôt ensevelie sous de sauvages cloques...

Mais est-bien ce qu’il en S ?

Jean-Michel COMTE



Les trophées se voilent la face
Derrière les cascades
Masquant les cavernes ensoleillées
De leurs souvenirs circonspects

Jean-Michel COMTE





Le joli popotin qui se donne à voir
Par delà le halo embué
Laisse le rose nous monter aux houes

Leurs sillons voluptueux
Captent des perles de pluie
Venues d’un futur
Composé d’arabesques folles

Perles humides
Colorées d’émois 

Jean-Michel COMTE





Les hommes
Dans leur délire rocambolesque
Ne sont pas à une gageure près

Le rêve de mettre le soleil en boite
Ne fut qu’une pensée éphémère
Le vortex n’en fera qu’une bouchée luminescente
Et les trappes de l’oubli s’en viendront
Afin de réparer les erreurs commises.

Jean-Michel COMTE





Des radicelles s’extasient
A rendre un désert extra-terrestre
Aussi jaune qu’il est possible;

Il leur plaît de s’en repaître,
De le figer en métaphore.

Jean-Michel COMTE

Les bulles en myriades
Firent place à un fil conducteur.
Vif et alerte, il zébra leur tranquillité fragile

Le monde aquatique fut dès lors en péril. 
Jean-Michel COMTE






Nervures, stries exposées
Couleurs vives, clarté ocre

Combat chatoyant, irise tes rayures
Réduit la mélancolie
A son plus simple appareil.
Alors elle est plaisante : rouge de colère ou verte de rage…


Jean-Michel COMTE








***





Image de Stéphane SPACH

Rêve délicat

Une paire d’ailes
S’élève dans le ciel
Du désir, seule.

Jan 

***





Fusion intense où l’ambre vacille comme de la braise.
Jan









Le soleil prenait de la hauteur. Des vagues bleues, des vagues vertes promenaient sur la rive un rapide éventail, entouraient de leurs ondes les piquants du chardon marin, mettaient ça et là sur le sable des minces étangs de lumière et laissaient derrière elles un pâle cerne noir. Les roches cessaient d'être moelleuses, enveloppées de brumes ; elles durcissaient et montraient leurs crevasses rouges.

Virginia Woolf. Les vagues.








Propagande

Un beau matin, après les élections, bien des choses ont changé…
D’abord, ils ont décrété que la couleur brune serait la seule couleur autorisée,
Au nom de la corporation des coiffeurs, puis ils ont enfermé les Coiffeurs !

Ensuite, ils ont décidé de suspendre l’instruction
Au nom de l’être hypercultivé, puis ils ont bâillonné la Culture.

Depuis, ils ont instauré la pensée unique
Au nom du libéralisme, puis ils ont détruit la Liberté.

Ils ont aussi décrété illégale la fraternité entre les peuples
Au nom de la primauté patriote, puis ils ont écrasé les Citoyens de la Nation.

Après, ils ont liquidé les journalistes
Au nom du juste, puis ils ont supprimé la Justice.

Enfin, ils ont supprimé les écologistes
Au nom du progrès, et ils ont effacé la Science.

Aujourd’hui, ils assassinent les musulmans
Au nom de la terreur et je me dis qu’ils ont instauré le Terrorisme.

Et pour demain, j’ai peur de cette démocrature progressivement, s’installe !

Jan PINCEMAILLE La Boisière Décembre 2016


Inspiré du poème « Le programme en quelques siècles » d’Armand ROBIN



***








Contemplation, d’après la photographie de Melody SEIWERT










L’enroulée fragile des ocres exalte l’ambre de son pétale,
Où du miel coule comme de la sève en ces capillarités.
Sa tête est enrubannée d’un voile qui compose sa structure.
Elle a l’élégance d’une reine, si délicate sous sa traîne.
Transfiguration translucide !

Psyché de safran, toi la belle au Naturel, Femme mûre.
Embrasser tendrement ton encolure jusqu’à l’élévation…
Corolle de crépon froissée, organique et sensuelle…
Dès lors, je me love volontiers en tes anfractuosités.
Ô alvéolaire cavité !

Florale-graphie, toi qui laves la laideur du monde
Tu calmes la clameur du monde, et invites à la méditation.
Tu embaumes le monde de ta lumière, humble trésor !
Et jour après jour, à chaque fois, tu es l’instant, le présent !
Une lueur d’étoile.

Jan


                                                                            ***



Photo d'Anne Cadour (2013)

                                    
La grand-mère et le Hipster


Une grand-mère bleue, marchant vers la lumière, suspend sa marche,
Le nez en avant, elle traverse le temps, comme née en avance sur son temps.
Anachroniques lunettes noires sur cheveux blanc, vieillissante contremarche
Où les fleurs bleuies de sa robe ménopausée cadencent ce magnifique contretemps.


Dans la rue de la ville, urbaine et désabusée, elle court, lentement pressée
Sur l’asphalte, là, en contre-bas du trottoir aux sombres bordures de granite.
Ses plates ballerines mordent le disque laiteux d’un pictogramme de cycliste.
L’imaginaire en berne, elle se remémore sa liste de courses, maintes fois répétée.




Or sur le grand mur décrépi, deux graffitis voguent à contre-courant et en apesanteur.
Décorum futuriste. Un facteur à la Moebius qui transporte son courrier, un bateau en papier
Sans doute celui d’une petite fille, largué dans un caniveau d’après-guerre. L’oublieur !
Le souvenir d’un mari noyé. Songe à contre cœur du naufrage de son soldat nu et désarmé.


Au pied du mur, trois trous noirs, comme une échappatoire en contre-point,
Et toujours, la mort qui attendant dans son coin, avec son sac noir en contrepoids.
L’ultime marche ! Et la grand-mère ira, c’est sûr, après ses courses au cimetière.
Ses fleurs bleues déposées tout contre lui, son militaire de mari, noyé et mort à la guerre.

Jan



                                                                                    ***


"PRÉSENCE".    Poésies de Myriam Sonzoni sur les photographies de Jan Pincemaille, 2020 



Il y a toujours un arbre

 

 

Il y a toujours un arbre au fond de notre mémoire

inclinant son front à la levée de nos pentes.

Il y a toujours un arbre, abritant les bourgeons

de nos rêves, par-delà les frondes des cieux noirs.

Je suis fidèle aux rendez-vous du cerisier,

chaque année dans la clarté des floraisons.

Comment lui dire? il est là au sortir de l'hiver

il est là et sa présence fructifie les anciennes promesses.

 

Il faut s'incliner devant les arbres de la façon dont on salue un ancêtre.

Myriam Sonzoni 




Je suis poussière issue de rien,

perdue entre les cuisses du néant.

Je suis le feu, l'or, je suis l'azur

un je ne sais quoi de ton rêve je ne sais où.

 

Je suis- dis-moi laquelle de tes larmes

qui prend feu au milieu de la nuit.

L'étincelle sur ta joue je suis,

allumant la chair bleue et tendre

de ton corps d'utopie.

 

Je suis le va et vient de tes marées

ouvrant découvrant  

ton sable fauve sous les rides d'eau.

Le cri rauque des mouettes je suis,

piquant ton ciel de paillettes rubis.

 

Je suis l'ombre dénouée

libérant sous ton front la giclée de l'écume

Je suis le feu, l'or, je suis l'azur

un je ne sais quoi de ta raison je ne saisJe suis

 tous les visages

le feu, l'or, l'azur.

Je suis.




Myriam Sonzoni 


Le bleu incurvait les cils du soir

à l'heure où nous n'avions

plus à perdre ni rien à gagner

du battement désordonné de nos songes. 

 

Nous avancions vers le bleu comme à l'envers d'un vertige, 

ridant les ombres, entrouvrant la nuit, 

réconciliant sous nos paupières

les contours disjoints de nos intimes mystères. 

 

Nous chutions sans fin à la source de nos constellations souterraines. 



Myriam Sonzoni 







                                    ***






















L’ange des houblonnières

Un matelas moelleux pour s’envoler vers les cieux,
Et me voilà renversé de torpeur, sous des songes voyageurs.
De noirs poteaux semblent plantés là, dans les nuages-coteaux.
Asiatiques rizières, en ces larges rivières alsatiques.

Un chemin de lumière me guide, céleste, vers la Lumière,
Et je me soulève de terre, dans cette paix sans trêve,
Comme l’ange apatride, immortel, libre et sans bride,
Je flotte à jamais dans ce stupre : floconneuse voilure.

Prenant de l’ampleur, tel un géant souverain, un empereur
Je déploie mes ailes immenses, en ce monde surréel.
Je souhaite à tous de voler ainsi au-delà des défaites,

Et des contingences, et à ce monde nouveau : faire allégeance.

Jan PINCEMAILLE Ohlungen septembre 2015















  

Le craquemur

Tout gonflé d’hélium, il décolle, se libère,
Il erre en apesanteur, survolant la ville.
Le gros bonhomme étêté, s’entête,
Sa mélancolie est son arme, sa flottille.
Enigmatique et débonnaire, il a l’air si léger
Engourdi dans ses célestes écailles
Sous son costume de papier tout déchiré
Il s’abandonne pensif, sans livrer bataille.
Les chroniques Martiennes s’éclatent,
Toutes écarlates, sur l’usure du temps.
La poésie murale, science d’acrobate,
Est une fiction passée à contretemps.

La boursouflure aérienne du temps.


Jan PINCEMAILLE février 2015






Aux couleurs du temps













D’abord, l’orangé. Il s’étale, pareil à la déchirure céleste d’un beau coucher de soleil.
Il dure, narcissique et brûlant, comme les stigmates de cette embrasement d’antan.
Et les traces laissées sur la toile de la carlingue calcinée semblent en veille,
Traces figées, emmurées, emprisonnées dans la violence de ce temps présent.

Puis, on distingue les rayures de projectiles, l’empreintes des coups,  ses impacts,
Comme si le temps avait griffé, de son ongle large et acéré,  l’acier inoxydable,
Comme si au fil des années sa peinture protectrice, sa peau alors si compacte,
S’était soudain soulevée, boursouflée, l’écorchée vive sous ces tortures inacceptables.

Maintenant  les entailles de l’épiderme forment des failles, de véritables plaies ouvertes.
Et la rouille, telle une vilaine mycose, rongerait le fer comme si c’était du bois tendre.
Pourtant, au-delà de cette décomposition morbide, peuvent naître d’autres découvertes
L’esthétisme pur d’un tableau surréaliste, et si facile à interpréter et à comprendre.

Un imaginaire, où chacun y voit en définitive ce qui lui plaît.

Jan PINCEMAILLE La Boisière Mars 2015








Ondulance
















Quelques gouttes de rosée sur de la tôle ondulée et tout s’illumine.
Quelques touches de lumière sur la matière et toute l’œuvre s’éclaire.
C’est le microcosme des neurotransmetteurs, aux arborescences d’albumine,
Et c’est l’incendie cellulaire des nano-particules encore embryonnaires.

ô ondes évanescentes, toi qui fais lumière sur l’opacité de la matière,
Toi qui scintilles grâce à ta haute vibrance, l’ultime imagerie.
Toi, résonance magnétique, spectre de l’énergie, noble et altière.
ô, toi contraste des contrastes, synapse d’orfèvrerie.

Des bulles donnent naissance à des craquelures, des fêlures.
Dans cet univers aquatique, un poisson écarlate s’avance.
Il glisse et ondule sur la tôle illuminée de boursouflures.
Et le zinc calciné est maintenant saturé de couleurs. Connivence.

Le ferrugineux et le nautique, l’entre-deux mondes artificiel.

Jan PINCEMAILLE La Boisière mars 2015







            L’éphémère d’acier


Vois-tu l’aile du temps se déployer flamboyante ?
Vois-tu l’oiseau de feu voler aux confins des temps ?
Tactile vision, que tu touches du bout des yeux !
Fragile sensation que tu effleures en un voile soyeux !

Abstraction ou plutôt ouverture de l’horizon,
Aux moindres aspirations de tes sensations.
Te sens-tu inviter à toucher la fine poudre
De cette aile de papillon qui déjà se dissout ?

L’éclatante clarté est maculée de tant de taches colorées
Lorsque la vivante rouille cannibale  mange sa poutre d’acier.
Planche d’acide, comme un lavis coloré à l’extrême
Comme l’onction de la gouache qui ne ferait plus carême.

L’acier de la vie est fragile, comme un éphémère.


Jan PINCEMAILLE La Boisière mars 2015







                                                                     


La lune ferrugineuse






































Céleste lune, sur lequel de tes océans vogues- tu ?
Le brasier des terres du dessous s’est éteint,
Et toi tu continues de  rayonner, tel un flambeau ininterrompu.
Inlassable, ton éclat surpuissant se diffuse dans le lointain.

Céleste lune, inconsciente matière, vers où voles-tu ?
Le relief de ton corps semble peint de blanches montagnes,
Neiges artificielles, sucrées de guimauves roses ou écrues.
Et les nuages volatiles et crémeux, battent ma campagne.
 
Céleste lune, satellite poétique, pour qui brilles-tu ?
Illusions, où mes rêves semblent être en orbite,
Profondeur de l’onirisme, ô ma belle voyeuse nue,
Je t’attends, je t’aperçois, viens vers moi, mon émérite.

Ma chandelle est morte, ravive-là, aux braises de tes lèvres.

 Jan PINCEMAILLE La Boisière mars 2015









                                          











Sur le toit du monde

Sur le toit du monde, la céleste matrice est cuivrée d’or et d’ambre,
Et telle une embouchure métallique, elle s’ouvre sur l’azur océanique.
Son épiderme dardé d’ocre est un halo lumineux, sous son triangle.
Nudité duveteuse et charnelle, en sa mystérieuse matière organique.

Sa peau safranée apparaît soyeuse,  comme piquetée d’ivoire,
Corrosion quasi crémeuse, toute tachetée de coulures fauves,
Cuirs tannés à la fournaise de l’été. Le baiser du temps, son brûlant désespoir,
Où la courbure, touchant son ultime point, forme son isocèle tangente. Apothéose.

Au loin, les rumeurs salines, les parfums rares des profondeurs
Qui se consument, comme l’iode de la sueur qui s’évapore.
La mer, odorante, voluptueuse et calme, pourrait enfin s’épanouir et  éclore.
Alors, ses nuances de jade succomberaient aux aplats d’émeraudes.


Un estuaire flottant sur l’océan, où la rouille se révèle féminine.


Jan PINCEMAILLE La Boisière février 2015.





                                                                                            ***





  Le littoral
















Aquarelle de Jean-Michel Bregeras, recueil de poésie "Fragment et entièreté" 2015            


Le vent marin balaye les embruns vers la terre.
Soudain, le ciel tout puissant s’éclaire,
Laissant le gris-noir des nuages se taire,
Comme disparaît en moi la violente colère.

Au loin, sur la mer, brille le scintillement digne
De l’éclat ondulant des courants longilignes.
Ce serpent de mer m’adresse de tristes signes.
Et notre amour, mon amour n’est plus que ruine.

Nous nous aimions tant et maintenant tu n’es plus !
Et je dois me résoudre à cette idée défendue.
Et le vent me souffle ton haleine toute dissolue,
Tes cheveux longs fouettant mon visage cerné et abattu.

Seul, le long des plages côtières, je marche en survivance
Sur l’odeur âcre des algues mortes. Ô varech, suaves condoléances.
Et les rocs noirs se consument au ras de ton absence
Et le sol nostalgique se brise en flaques de complaisance.

Depuis, je t’aime autrement, je t’aime au ciel, je t’aime au vent !
Aujourd’hui, ta présence maritime me laisse ton goût si intime.
Je t’aime pour l’essentiel, je t’aime dans la présence de ton absence.
Je t’aime pour ce que nous fûmes de l’écume de nos jours.

Maintenant et pour toujours ce ciel contrasté d’amour sera lumineux !

Jan Pincemaille La Boisière Décembre 2013








                                            Aquarelle de Jean-Michel Bregeras, recueil de poésie "Fragment et entièreté" 2015  
      

 Le Lit Moulin

En cette matinée, tout inondés de lumière
Nous sommes allés nous promener vers la rivière.
Heureux, à batifoler comme deux papillons
Etourdis par tant de fleurs d’or en bouton.

À midi, au mitan de cet été bouillonnant
Nous nous sommes allongés dans les près.
A l’ombre tiède du frêne tout frissonnant
J’ai goûté le moelleux de tes seins douillets.

Amants à vie. L’irrésistible été nous aimantait
Comme le lierre enlacé fièrement à son arbre.
Soudain, nos plaintes se répandirent dans la futaie.
De la sueur perlaient sur nos peaux veinées de marbre.


Assoupi contre ton flanc, je savourais le délicieux endroit
L’air est humide et chaud à la fois, je m’y attardais
Sentant l’herbe verte et l’humus des sous-bois
Et la mousse qui s’accroche, là, au tronc verdelet.

Vivants ! Nous nous sentions vivants.
Plus haut dans les courants, une alouette virevoltait,
Sur nos jambes nues grimpaient des fourmis en nuées.
Les champs roulèrent sous la houle du vent.

Renversé de torpeur, écrasé de chaleur
J’entendis le tournis du vent qui soufflait dans le blé.
Puis, je vis la colline boisée glisser et dévaler
Se déversant en flots vers la rivière, son fleuve.

L’aveuglante lumière me donne le vertige
Le ciel est blanc, presque écru, il est crémeux.
Juste capter l’air du temps qui voltige.
Et juste voir ton sourire doré si merveilleux.

Jan Pincemaille La Boisière Décembre 2013








Dessin de Sophie-Dorothée Kleiner, recueil "En plein coeur" 2012




Elle est toute tordue, toute biscornue avec comme couvre-chef en forme de chapeau de sorcière, des avancées de toits en arlequin, tout chavirant d’extravagance. Elle possède un charme qui flirte avec le temps, avec le vent qui, comme la houle, la déforme, monstre de chewing-gum. Elle est plantée là loin du centre-ville, mystérieuse, loin du tumulte et du brouhaha touristique. Son architecture débridée lui donne une allure de veille dame à la démarche syncopée. Elle est un peu effrayante. Sa réalité mouvante la rend émouvante et vivante.


Ses fenêtres sont des yeux faunes, grands ouverts, à l’affût de l’animalité de l’homme qui passe derrière les grilles de sa rue. Celui qui sait-en bon passant non pressé- la contempler, comme le fait le visiteur du dimanche, -à l’égard des bêtes prisonnières au zoo de Bâle- avec compassion et tristesse inavouée.


Ses poutres de bois arrondies, mêlées au rouge de ses briques, lui donnent un caractère à la fois austère et digne, un style so british. Pour un peu, on se croirait à Deauville, dans une rue terne au-dessus de la falaise. Comme la tristesse surannée d’une bourgeoisie industrielle sur le déclin, l’éclat terni d’une époque révolue qui résiste fièrement aux embruns du temps et sa modernité.


Si vous franchissez ses grilles, elle se penche alors sur vous, inclinant sa tête tuilée d’écailles, et de chaque côté, elle enserre son corps de boa pour vous prendre, noueuse contre son flanc. Et sans trop de pudeur, le long de ses jambes, se profile en fin de couloir, la fente de sa porte noire.  Une entrée somptueuse, au-dessus de laquelle traîne en dentelle de fer forgé une marquise démodée. Sa porte arrondie assise au sommet d’une petite pyramide de marches ressemble à une bouche gracieuse qui vous invite à la gourmandise d’un baiser d’amoureux. Lèvres verticales sur gonds bien huilés, silencieuses, quelle langue parlez-vous ?


S’enfiler à l’intérieur, s’engouffrer dans ce goulet odorant et déjà si intime. Au-dedans, il fait douillettement chaud comme à la belle époque. Une odeur de vieillot, des senteurs de cire d’abeille qui butinent tout odorantes. Le hall est haut, il donne sur une verrière filtrant la blancheur blafarde d’un soleil dissous au cœur de l’hiver. Imperceptiblement, un nuage passe, absorbé par le buvard du ciel d’albâtre. La pièce est grande, cerclée d’escaliers, de coursives et de portes vitrées d’où s’échappent quelques notes de musique. Un univers labyrinthique, une légère cacophonie de charleston. La froidure du carrelage De Dietrich jaunâtre contraste avec l’étouffante boiserie murale, d’où sort, comme un bas relief en clair-obscur, une marqueterie immense qui vous plonge soudainement dans les années folles.


Nostalgie sépia de l’encre passée d’un dessin  noir et blanc à l’encre voilée.


A Sophie-Dorothée Kleiner


Jan Pincemaille La Boisière  Février 2012





                                                                          Dessin de Sophie-Dorothée Kleinr,  recueil "En plein coeur" 2012  

                                             
L’univers à fleur


Les cosmos de mon jardin voguent majestueusement.
Elles m’apparaissent légères dans l’éphémère sur la brise matinale, comme des étoiles mauves suspendues à leur tige de vert.
Elles voyagent au gré du vent solaire.


Fleurs impérissables de l’univers de ma petite terre.

Jan



                                                                                                                                                       
                                                                              Dessin de Sophie-Dorothée Kleiner,  recueil "En plein coeur" 2012  



 Lalique Renaît


René Lalique, Ô orfèvre antique, tu es sans doute né à « Ô verre sur Oise ».
Souffleur de rêve… Mégalithique fusion passée au four de la création.
Rêves inspirés d’une lave safranée. Bronzes mêlés à l’émail turquoise,
Pâte de verre, nécessaire fournaise qui te rend si fine si belle. Traumatique lésion,
Mais comme l’eau se referme derrière la barque, elle ne te laisse qu’un vague souvenir.
Tu es l’anneau de verre passé au doigt du sable de la terre. Matière polie, si limpide.


Poudrées, tes ailes de papillon sont ambrées.
Elles renferment en leur cœur, la lumière du vitrail.
Sacre surnaturel, transformant le réel en beauté vitale.
Ta nature est féminine, généreuse ; le talent d’un art bien inspiré.


En équilibristes, cheminent d’éphémères doryphores sur un collier d’or
Peaux satinées, ces verres d’opale polis, laqués.
Sur tes fioles stylisées des femmes se mêlent aux senteurs de l’été,
Et le fruit de leur danse embaume l’allégresse de l’air du temps d’avant.
Effluves d’absinthe, d’épices et d’ambre mêlées de vieil or,
Fioriture alambiquée, fleurs nacrées ; luxe naturel pour tout ornement.
La si longue chevelure d’une femme enrubanne un flacon suranné.
Un bas relief exhibe le voile subtil du parfum envolé.
Nappe liquoreuse d’un capuchon éventé aux abords, où deux paons-cadors,
Se regardent en chien de faïence, douce poterie de Mayence.
Quatre sphinx-cigales gardent en secret le son du silence évanescent, évaporé.


Chrysalide du vers, transmutation de la matière,
Transparence joaillière à l’épaisseur de l’être.
Ta robe si sensible est polie, satinée et lisse comme la surface de l’eau calme,
Omniprésence d’une humanité foisonnante. Hydre artistique et polyophtalme.


Antique Diptyque, délicate vérité de l’illusion d’optique. Transparence,
Où la bonté d’un Christ altruiste s’approche de nous comme un parent.
Alors le visage de Jésus nous parait si palpable qu’il en devient vivant.
Et soudain l’envers de sa face devient la face de son dos. Révolution bienveillante.
Conversion de « Christal », transfiguration intérieure, celle de l’Homme aimant.

Jan Pincemaille    La Boisière, Août 2011






Dessin de Sophie-Dorothée Kleiner,  recueil "En plein coeur" 2012  



La cigarette

                       

Il est deux heures du matin. Je suis enfin seul avec elle. Son appart est un petit loft sous les toits, lumière tamisée; j’adore. Elle fouille dans son sac à main et déniche un paquet de clopes. Elle en allume une avec son Zippo chic. L’extrémité de la cigarette, longue et blanche, sur laquelle elle tire devient incandescente. Tout en me regardant, elle souffle vers le plafond, relevant légèrement la tête ; une bouffée d’élégance raffinée. Tout en elle se déploie imperceptiblement ; ses cheveux effleurent ses épaules, son cou fin et gracieux suggère la caresse et le galbe de ses seins s’arrondit.


La fumée de cigarette se répand dans toute la pièce et m’enivre instantanément. Elle me rappelle mon adolescence, les feux de camp en bord de rivière, l’odeur saumâtre de l’Ardèche, l’amer des premiers baisers. De la traînée de fumée se dégage une odeur racée et caractéristique, inondant la mansarde d’ovales brumeux. L’arôme de la cigarette me relie à la bande, à son parfum intime.


Soudain son portable vibre et se met à jouer une lamentable mélodie électronique.
Elle s’empresse de déposer sa cigarette, tout juste allumée, sur le rebord du cendrier. « Allo…oui c’est moi…non…pourquoi ? » En une fraction de seconde, je vois son masque tomber. Son visage se décompose et devient livide. Puis elle s’éclipse dans la pièce d’à côté, en refermant la porte.


De son ongle froid, le frisson de la solitude me griffe le dos. Ce silence me déplaît, il me fragilise. Je me sens plus petit, comme perdu, impuissant. Les murs de la pièce s’agrandissent.


Pour ne pas sombrer dans la mélancolie- une narcissique blessure que je ne connais que trop bien- je m’accroche à la seule chose qui bouge et qui paraît vivante : la cigarette qui se consume.


J’aurais toujours voulu fumer, faire comme les autres, mais fumer me fait tourner la tête et me tord les boyaux… Allez  je peux tirer une taffe juste pour retrouver les sensations.


D’abord, un goût agréable plein et fort de feu de bois, de réglisse, de cannelle mêlée à du poivre et du vinaigre ; un parfum aigre-doux tenace et presque envoûtant. Puis rapidement, l’amertume me tapisse le palais, mes papilles sont anesthésiées. J’ai au fond de la gorge un goût de câpres, d’anchois. Ma salive chargée de plomb et de goudron s’épaissie. Un léger dégoût me soulève le cœur, et déjà dans ma tête, un brouillard se lève en nappes migraineuses.



Dans l’attente, je me focalise sur l’objet et médite à propos du « consumérisme », et de l’argent du contribuable qui part en fumée…J’imagine des poumons rouges rongés par un sombre cancer.


La cigarette mue et perd de sa blancheur, comme un serpent noir qui digère sa proie.
Un  foyer invisible avale lentement le tabac qui crépite à peine et le papier rougeoie avant de noircir. Vers le plafond,  de longs filets de nacres s’élancent et qui tracent dans l’espace, un éphémère chemin sur lequel une danseuse en tutu s’étire en faisant ses pointes.
Le silence de la nuit est une musique faite pour la fumée de cigarette. Elle chorégraphie gracieusement des mouvements ralentis, suspendus à l’immobilité du temps.


La ville, au dehors, ronronne un imperceptible brouhaha ; à côté, la voix de jeune femme est entrecoupée de sanglots. Sa tristesse ne m’émeut pas et mon regard est attiré par le ballet vaporeux qui est comme attisé par un souffle invisible ; tout s’emballe, s’accélère.
La danseuse étoile se disloque, ses jambes s’emberlificotent. Elle vrille sur elle-même,
comme une patineuse. Sa vitesse est vertigineuse. Puis, elle disparaît comme par magie,
à l’intérieur de son propre mouvement.


Puis, d’autres  volutes s’enchevêtrent, s’enroulent en arabesques, tourbillonnant en spirale. L’espace se structure en se vrillant et laisse apparaître une fine dentelle mouvante. Un écrin de tulle transparent, avalé par la lumière des plafonniers. Et l’ensemble du ballet s’allonge sous les feux de la rampe.


Plus bas, je vois s’effondrer sur lui-même le nez grisonnant de la cigarette ; il tient, on ne sait comment. L’attende est longue, et en portant ma main à mon nez, je sens comme collé à la moiteur de la peau l’odeur de la cigarette, comme si mes doigts étaient jaunis par des années de nicotine.

Puis, je replonge dans l’univers chorégraphique de la fumée, où un nouvel acte commence. La traînée blanchâtre ourlée de velours monte à la verticale. La colonne s’évase par le haut, en corolle, formant un petit rond de fumée. Puis l’onde s’agrandit, poussant ses rouleaux jusqu’aux limites du perceptible. Et tout disparaît.


Maintenant ce qui reste de la cigarette pend lamentablement vers l’abîme du cendrier.
La porte s’ouvre. La fille apparaît plus vieille. Elle fait grise mine. Je n’ai pas vu, la cendre tomber. Elle attrape la cigarette, et tire une dernière bouffée -celle qui fait chauffer le filtre- avant de l’écraser au fond du verre épais.


Je m’en vais, sans autre explication, avec au fond du cœur un goût tenace de cendre froide.


Jan PINCEMAILLE                 La Boisière                 Décembre 2006







                                                                                                                             ***











 
Vue du ciel
Instinct aquatique

D’un même élan,
Aimantés par la source,
Ils refluent, à contre-courant,
Dédaignant la menace
Des filets à l’affût.

  Dominique Césard





Nuit étoilée

Temps des moissons

Le long de notre route,
Les blés d’amour frémissent
Au vent de l’Esprit.
Nous y arrêterons nous ?

  Dominique Césard






Alu-cinant

Vengeance

Dans ce désordre climatique,
Verrons-nous bientôt Moby Dick
Briser notre fragile croûte glaciaire,
De son irrévérencieux derrière ?

Dominique Césard








L'ange bleu
Funambule

Pas à pas dans la nuit,
Sur le cheveu d’un ange,
Elle tend l’oreille à Merlin
Qui la mène aux étoiles.

Dominique Césard









L'annociation

Couple infernal

Aux feux de l’Enfer,
C’est l’effusion
D’un elfe et d’un démon
Mais voilà que leur fusion
Les empare, les emparadise !
Une vraie gourmandise !
Ils n’ont même pas souffert !

                                  Dominique Césard



        



                                                                                  ***




Photographies suivantes sont d’Olivier STUMPERT, poème Jan



La cible













Mon œil d’archer tend sa flèche
Vers ton unique centre, ta brèche,
Ta fraîche vulve rose que je lèche.






L’élégante empreinte





Tard dans la nuit, une dame a oublié ses plumes
Et sa dentelle sur la vitre des jours.
Un oiseau s’envole dans l’hiver bleu.






Le charme des hêtres












Les lignes des arbres sont des hêtres
À la fois rectilignes et tout tordus…
Des âmes furtives à perte de vue.





Ah, la pesante heure
 !











La mollesse du ciel est voluptueuse :
Un matelas las, suspendu à la pesanteur.
Que la sieste est céleste et que l’heure est pesante !






Furtive vision











L’eau reflétant l’écho des brindilles
Se fige un instant en marbre-litho :
L’opalescence d’un regard d’oiseau.






Ô divines orgies !


Les nuages sont des draps frais
Qui invitent à des rêveries érotiques !
Couvrez ce sein que je ne saurais voir.






Le vol onirique

Migration imaginaire et pacifique

Où le monde alentour est mou,
Inconscient, flou et artistique.




















ô bille de verre

Parfaite sphère, ô bille de verre
Ton reflet d’opale est ovale
Un bleu net dans un flou mauve.

















Alvéoles

Des alvéoles disparates
Enchaînent leurs mailles
En réseau de pirates.

















Soleils bleus

Une constellation de soleils bleus
Illuminent l’espace de blanc
ô sphères lumineuses.

















Feuille

A travers la voilure
D’une feuille nervurée
Un pâle halo de lune. 


















Sens 

Suggestives et sensuelles
Tes profondeurs m’enivrent :
La chair rose du plaisir.




















***




                                                    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

Nue (Robert MURIT dessin)












La  reine de minuit      
L’enveloppante nuit est sage et magicienne.

Ô croissant fertile, delta du Désir.
Nue et souveraine sous la voie lactée,
La reine de Sabbat s’annonce nuptiale.
Ô Yéménite beauté.




Ô toi, Cassiopée dominatrice du monde nocturne.
L’éclat d’ivoire de Sirius nous appelle en son royaume,
Comme le sourire de l’oasis aux lèvres sèches du désert.
Ta peau est sablée d’ébène et sur ses velours apparaît, délicat,
Un collier d’étoile offert par Salomon,
Un collier que le roi appose aux dunes de tes seins noirs,
Un collier qui coule comme une source fragmentée d’éclats,
Un Oued vibrant au cou de ton firmament,
Une rivière scintillante qui s’écoule, inexorable, vers son estuaire.

Ô croissant fertile, delta du Désir.
Nue et souveraine sous la voie lactée.
La reine de Sabbat s’avance nuptiale.
Ô beauté Yéménite.

Et parfois, tombé des cieux,
Comme un filament incandescent,
Un de tes cheveux cuivrés s’illumine, en extase.
Une Étoile, fuyante, crépitante et silencieuse,
Révèle toute ta splendeur.

Ô croissant fertile, delta du Désir.
Nue et souveraine sous la voie lactée.
La reine de Sabbat se retire nuptiale.
Ô Yéménite beauté.



Et le jour capiteux peut maintenant se lever. 


Jan



Retour Galerie